Auteur : Michel Onfray
Sortie : 18 novembre 2021
Éditions : Mollat
Pages : 198
Prix Éditeur : 18 €
ISBN : 978-2-382-92112-8
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M. Onfray est un auteur que j'apprécie beaucoup, et dont j'adore particulièrement écouter avec une grande attention les interviews et les conférences. C'est également un auteur sacrément prolifique, et cette année 2021 n'a pas fait exception à la règle. Vous ne me croyez pas ? Sans être totalement exhaustif : La Nef des fous : Des nouvelles du Bas-Empire (février 2021), L'Art d'être français : Lettres à de jeunes philosophes (mai 2021), Autodafés : L'Art de détruire les livres (août 2021) et donc, le petit dernier de sa fournée 2021, La Conversion : Vivre selon Lucrèce (novembre 2021). Quand je pense que je mets plus d'un an pour en écrire un seul... De ces quatre textes, je n'en avais encore lu aucun avant d'entamer cette lecture, à mon grand regret, pris comme jamais dans mes projets personnels. Et puis un évènement inattendu a tout déclenché : la réédition de la fabuleuse traduction du texte de Lucrèce, De la naissance des choses, par Bernard Combeaud, pour les fêtes de Noël. Comment vous dire ? Ce fut pour moi comme un véritable miracle, et j'ai alors, comme par instinct, immédiatement rajouté l'œuvre de Lucrèce à ma liste de Noël, que j'aurai donc la joie (très certainement) de tenir entre mes mains d'ici quelques semaines (si tout va bien). Ah ! je l'ai cherchée fort longtemps, cette traduction en vers des éditions Mollat, me heurtant constamment à une "rupture éditeur" (édition de 2015). Quant à l'achat en occasion, les rares fois où je suis arrivé à trouver ce fameux livre, les prix étaient totalement délirants et spéculatifs ! Ai-je déjà lu l'œuvre de Lucrèce ? OUI, une fois, mais en prose, avec la difficile mais (semblerait-il) fidèle traduction d'Alfred Ernout pour les éditions Les Belles Lettres. Je ne sais pas si vous pouvez imaginer mon excitation à l'idée de pouvoir la relire cette fois-ci en vers, au plus près de la vérité, puisque nous avons presque oublié que ce texte est avant tout un poème !
Le même jour de la réédition de cette traduction, les éditions Mollat dégainent en même temps — et de manière fort intelligente — le dernier ouvrage en date de Michel Onfray, qui vient comme un livre accompagnateur de la grande œuvre de Lucrèce, un guide pour qui voudrait comprendre et percer le message du Romain épicurien. Ne faisant ni une ni deux, je le commande immédiatement pour attendre tranquillement les fêtes de Noël. Le temps de le recevoir, les premiers avis fusent déjà sur Internet, à ma grande surprise : c'est soit cinq étoiles, soit une, rien au milieu... Je commence à m'inquiéter, mais je sais pertinemment à quel point les avis sur Internet demeurent peu objectifs : celui qui adore Onfray mettra 5/5, sans réfléchir ; celui qui le déteste mettra 1/5, sans réfléchir plus. Cela ne va pas plus loin... Je me fais donc la promesse d'en fournir la note la plus objective possible, qui tiendra compte du contenant, de contenu, de la qualité d'écriture tout autant que de l'intention d'écriture.
Le livre entre mes mains, voilà que je l'entame avec curiosité dans le métro, et que je le termine deux jours plus tard, sur la même ligne de métro où je l'avais commencé. À vrai dire, il n'est pas très épais, juste ce qu'il faut (un peu moins de 200 pages — mes formats préférés), et la police d'écriture demeure assez grande et bien aérée. Quant à la couverture, je la trouve particulièrement jolie tout en demeurant sobre, avec ce superbe buste d'Antinoüs, favori et amant de l'empereur Hadrien. D'ailleurs, plusieurs personnes m'ont interpellé dans le métro, alors en pleine lecture, pour me dire que ce livre était beau et savoir de quoi il parlait. Niveau "contenant", il n'y a pas à dire : c'est réussi, tout en étant arrivé à ne pas en faire trop.
Le contenu du livre, lui, est divisé en neuf "lettres" (même si je n'ai pas spécialement trouvé qu'il s'agissait de lettres plus que de chapitres) qui nous invitent à la réflexion en suivant un fil directeur très cohérent. Michel Onfray nous parle un peu de lui (toujours intéressant), nous fait un excellent hommage à Bernard Combeaud avec des anecdotes dont je suis particulièrement friand (In memoriam Bernard Combeaud) puis s'intéresse à Lucrèce, au dédicataire de son poème (Memmius) avant d'entrer véritablement dans le vif du sujet : le poème et ses enseignements. L'auteur aux plus de cent ouvrages semble presque nous tenir la main et vouloir nous guider dans diverses réflexions ; l'on sent bien que ce texte a été important dans sa manière de vivre et qu'il souhaite faire en sorte qu'il le devienne également pour nous, sans jamais nous forcer ni essayer de nous convaincre (ce qui est tout à son honneur) : l'épicurisme à la Lucrèce (ou à la romaine si vous préférez), la vie atomique, l'excellent chapitre sur le couple ataraxique, la vision épicurienne de la mort, l'amitié, l'inachèvement du poème et la mort de Lucrèce, etc... Tout cela est très intéressant et riche d'enseignements, mais je n'irai volontairement pas plus loin dans l'analyse pour ne pas trop en dire et vous gâcher l'éventuelle lecture. Ce qui est d'autant plus intéressant, c'est que l'auteur ne cherche jamais à imposer ses idées, mais juste à les faire partager ; le but n'est donc pas d'approuver ou réprouver, mais juste d'écouter et de réfléchir avec lui, que l'on adhère ou non à ces concepts épicuriens.
Finalement, cet ouvrage est le parfait accompagnant de l'œuvre de Lucrèce puisqu'il nous offre la réflexion et le guide d'un philosophe particulièrement bon lorsqu'il parle des Antiques, et plus particulièrement des Romains. "Lucrèce nous donne de quoi construire une vie sereine, ataraxique, heureuse. Ces leçons de vie peuvent servir ici et maintenant si on le souhaite." On sent qu'Onfray aime la philosophie romaine, et bien plus important encore, qu'il vit une vie philosophique particulièrement romaine. Cela tombe plutôt bien puisque moi-même, je suis très sensible à cette philosophie et à tous ces auteurs romains comme Cicéron, Ovide, Pline le jeune, Sénèque, Lucrèce, Horace, Virgile, Plaute, Martial, Térence, et j'en passe ! J'aime Les Tusculanes, j'aime De la naissance des choses, j'aime De la brièveté de la vie, j'aime l'épicurisme, j'aime le stoïcisme (certains principes, du moins), etc... Alors oui, soyons honnêtes : il ne s'agit pas d'un ouvrage magistral, ni même d'un chef d'œuvre, ni même du meilleur Onfray de notre jeune siècle. Oui, c'est vrai, mais je ne pense pas que l'auteur l'ait écrit avec cette ambition, pour être très honnête avec vous. Par contre, ce livre remplit parfaitement sa tâche primaire, à savoir celle d'accompagner la réédition de la traduction de Bernard Combeaud et de fournir un excellent complément philosophique. Pour 18,00 €, cela est honnête et j'y vois pour ma part d'abord une bonne idée, ensuite une certaine réussite. Par contre, et c'est forcément un point négatif résultant de sa fonction première : ce livre, en tant que complément, ne doit pas (selon moi) être séparé de la traduction de Combeaud pour garder tout son intérêt ; ainsi, seul, je pourrais aisément comprendre qu'il y ait quelques déçus qui trouveraient le contenu un peu trop léger et beaucoup trop explicatif. Donc, je le ressens ainsi : pour être pleinement satisfaits, c'est soit les deux ouvrages (Combeaud + Onfray), soit on passe son chemin ! Moi, j'ai choisi les deux, mais dans l'ordre Onfray/Combeaud, et j'encourage tout le monde à faire de même :)
Adrien CARON
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